Surréalisme et Psychanalyse : un temps fondu
- Amanda, Gabriela e Marie

- 1 sept.
- 3 min de lecture
La proximité entre le surréalisme et la psychanalyse n’est pas un secret et s’est manifestée aussi bien dans les arts visuels, avec des peintres comme Magritte et Dalí, que dans les rencontres entre figures historiques telles que Breton et Freud, Dalí et Lacan. Bien que Freud ne se soit pas intéressé au surréalisme, l’inverse n’est pas vrai : les élaborations freudiennes sur un moi « pas maître dans sa propre maison » intéressaient vivement les écrivains surréalistes, qui voyaient dans l’inconscient – cet au-delà du « moi conscient de soi » – une source d’exploration pour la création artistique.
Lacan, pour sa part, n’ignora pas le mouvement surréaliste. En 1931, il recourt à Dalí pour ses études sur la paranoïa, réalisées dans sa thèse de doctorat publiée en 1932 et intitulée De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité. Mais quel est le lien entre Dalí et la paranoïa ?
L’artiste, dans sa curiosité pour l’inconscient et ses « manifestations », inaugure ce qu’il appelle la « méthode critique-paranoïaque » : l’auto-induction d’hallucinations à des fins créatives. Oui : des hallucinations pour créer ses œuvres d’art.
« La différence entre moi et un fou », disait-il, « c’est que je ne suis pas fou ».
Moma Collection, https://www.moma.org/collection/works/79018
Un an après avoir entamé ce processus de création artistique, Dalí peint le célèbre tableau des montres molles : La Persistance de la mémoire. L’œuvre conteste l’imposition d’une normalité réaliste, rationnelle, consciente. Les montres déformées défient la notion impérative d’un temps unique, celui du chronologique. Articulant étrangeté et familiarité, Dalí cherchait à « matérialiser l’irrationalité avec la fureur de la précision », en infiltrant des éléments « anormaux » et inquiétants dans des scènes quotidiennes.
L’inconscient opère de manière analogue. Il démonte le prévisible et échappe à l’attendu en nous imposant un temps qui n’obéit pas à l’horloge réglant nos vies. Freud affirmait : l’inconscient est atemporel. Le tableau La Persistance de la mémoire de Salvador Dalí joue avec cette idée. En terminant sa peinture, l’artiste demanda à son épouse si elle pourrait oublier l’image de son œuvre au bout de trois ans, à quoi elle répondit qu’une fois vue, cette toile ne pourrait jamais s’effacer de sa mémoire.

La mémoire peut persister au-delà de la définition précise des minutes et des heures. L’inconscient, que l’on peut rapprocher de la notion d’« irrationalité » chez Dalí, déforme les montres, fait fondre aiguilles, repères, déterminations, prévisions et surtout exactitudes. À l’instar de l’inconscient, les montres « irrationnelles » et déformées de Dalí se mêlent au familier, indiquant l’existence du bizarre dans ce monde saturé de normalités. Aussi imprévisible soit-il, l’inconscient et son temps indéfini constituent des sujets qui appartiennent au monde « réel ».
Lacan, pour sa part, dépasse la notion freudienne d’atemporalité de l’inconscient, pour le proposer comme orienté par un temps logique. Non pas chronologique, mais logique. Rêves, angoisses ou souvenirs qui semblent revenir soudain en témoignent : le temps logique rompt avec les schémas préétablis de la normalité — « Je pensais que j’avais déjà réglé cette question »… et la voilà de retour, n’est-ce pas ?
Par l’inconscient, l’inattendu insiste, l’ancien revient — et c’est pourquoi la douleur n’obéit pas aux calendriers. La mémoire persiste. Tout ne se mesure pas en heures.
Mais alors… allons-nous souffrir pour toujours ?
Si c’est par la logique que l’inconscient s’oriente… c’est en travaillant selon cette logique que nous pouvons créer de nouvelles positions face à d’anciennes souffrances, jusqu’à ce qu’à force de les regarder sous différents angles, elles perdent leur place au profit de nouveaux souvenirs.
FREUD, S., Une difficulté de la psychanalyse, 1917.
LACAN, J., De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, 1932.
SANTOS, L. G. dos, Surrealismo e Psicanálise: O inconsciente e a paranoia, 2017.
Moma Collection, https://www.moma.org/collection/works/79018




